Talking Blues...


Je te parle d'un blues qui noue les tripes quand je surprends le visage d'un enfant à qui il manque l'essentiel nécessaire à son développement...
Je te parle d'un blues quand je croise un homme dormant par terre emmitouflé dans plusieurs épaisseurs de couvertures sur la prétendue plus belle avenue du monde...
Je te parle d'un blues qui jaillit des regards étouffés par la douleur de tous ceux qui ont tout perdu alors qu'il leur manquait déjà l'essentiel...
Je te parle d'un blues qui raconte ces rues de Paris où des hommes se rassemblent, attendant qu'un patron potentiel s'arrête et désigne quelques uns d'entre eux pour les emmener sur des chantiers vers la promise dignité d'un salaire.
Je te parle d'un blues qui prend conscience du fait que certains de ces hommes ne toucheront pas un centime en retour de leur labeur...
Je te parle d'un blues qui te hurle que le Tibet est asphyxié par la "pollution" politique chinoise...
Je te parle d'un blues qui trace sur les murs de ma conscience les 60 ans (de perpétuité) de prison de Florence Cassez...
Je te parle d'un blues qui psalmodie l'histoire de ces individus accusés injustement et condamnés d'avance à des perpétuités définitives...
Je te parle d'un blues qui trace au fusain de sa détresse le blues d'un sans-papiers dont le statut identitaire se trouve résumé à la comptabilité d’un formulaire administrativement arbitraire...
Je te parle d'un blues qui raconte l'histoire de cet homme qu'on renvoie menottes aux poings vers le pays d'où il s'est évadé...
Je te parle d'un blues singeant le malheur, qui, grimé de désespoir, te montre le chemin... à  ne pas suivre.
Je te parle d'un blues qui dessine une révolte à couper au couteau aiguisé du désir de liberté...
Je te parle d'un blues qui transperce le bonheur jusqu'à griser le plafond de nos existences...
Je te parle d'un blues qui rêve de champs de coton de fraternité, le blues qui fait sonner les cordes de ma conscience...